Vivant pauvrement au XIXème siècle et encore dans la première moitié du XXème, la population écochoise ne connaissait guère la gastronomie, si ce n'est à l'occasion de quelques grandes fêtes familiales (noces). La nourriture était donc simple et en majeure partie tirée des ressources locales. Il n'y a pas non plus de recette typiquement écochoise mais des plats que l'on retrouve dans tout le Haut Beaujolais.

Pour autant peut-on dire avec Steven Kaplan que "les campagnes vivaient dans une autarcie frugale"?

 

On peut noter quelques aspects des habitudes de nourriture :

 

-le repas de midi est appelé le dîner ; celui du soir le souper ; en milieu d'après-midi on fait "quatre-heures" ; un quatre-heures a donc quelquefois le sens général de goûter ; le petit-déjeuner est appelé le déjeuner. Comme ce déjeuner est pris  très tôt l'été, il n'est pas rare de prendre à dix heures du matin un en-cas dans le champ où l'on travaille ou à l'usine ou à l'atelier.

 

-les boissons. D'abord un mauvais vin issu des vignes locales et tiré du tonneau dans un pot ; en quelques occasions un "beaujolais" ; pour ceux qui n'ont pas de production, on achète un vin modérément alcoolisé (10° voire 9,5°). Ensuite du cidre appelé ici vin de pomme ou vin de poire, conservé jusqu'au printemps seulement. Autrefois du vin de bichot (à base d'airelles). De l'eau. De la limonade aussi (la Régionale en provenance de Coublanc). Pour les grands gosiers, l'eau de vie appelée la goutte (ou la gnole). Celle-ci provient de tous fruits, prunes, pommes, poires, cerises ou marc (appelé ici gêne). La goutte est faite à l'occasion du passage au bourg du brandevinier avec son alambic sur roues, pendant l'hiver ; elle est conservée dans des dames-jeannes, des bonbonnes.. Pour le café, on ne le fait généralement qu'une fois par jour dans une grande cafetière qui reste sur le feu toute la journée ; souvent de la chicorée -moins chère- est ajoutée à la mouture ; le grain de café est moulu à la main.

 

-les produits laitiers. La plupart des fermes fabriquaient beurre et fromages ; le lait pouvait être vendu aux non-agriculteurs. Traditionnellement on pensait que boire du lait tout chaud au sortir du pis était fortifiant : les enfants devaient alors en boire pour prendre des forces! On pensait aussi que le lait atténuait les effets de l'alcool !! Les fromages après démoulage séchaient à l'extérieur dans une sorte de garde manger grillagé appelé cage à fromages.

 

-les divers fromages provenaient du lait des vaches ou des chèvres : pur vache, pur chèvre ou mi-chèvre. Ils étaient fabriqués avec de la présure, soit au lait entier et cru, soit plus rarement au lait écrémé (partiellement grâce à l'écrémeuse). Après un premier passage (un jour ou deux) dans une teupène (pot en grès) ils étaient moulés à la louche dans des coupelles qui laissaient le petit lait s'écouler ; ce petit lait entrait dans la nourriture des cochons ; parfois on pouvait le récupérer pour le consommer avec des patates cuites à l'eau. On remettait un peu de fromage dans chaque coupelle après une première baisse apparente. On retournait les fromages dans les coupelles deux ou trois fois jusqu'à ce qu'ils apparaissent "pris". Chaque coupelle contenait l'équivalent d'un litre de lait. Une fois démoulé le fromage était appelé fromage frais  (aujourd'hui fromage blanc dans le langage  courant); il se mangeait soit tel quel soit en "salade" c'est-à-dire avec de l'ail et un peu de vinaigre. La plupart des fromages ne se mangeaient pas frais, ils séchaient à l'air (sur des claies, dans la "cage à fromage"). On obtenait assez vite un fromage mi-sec puis un peu plus longtemps séché un fromage sec. On pouvait aussi le maintenir dans l'humidité (linge mouillé ou paille) pour obtenir un fromage dit "passé". Encore plus affiné, le goût devenait puissant, on parlait alors de fromage "fort". Enfin il existait une autre forme de vieillissement, dans le gène (marc de raisin) ; dans un grand pot en grès,on plaçait alternativement une couche de gène puis une couche de fromages bien secs jusqu'à remplir le pot ; on fermait le pot et on laissait "pourrir" le fromage plusieurs mois. Sa consommation était un régal (coulant, fort, puant...). Mais on disait qu'il ne fallait pas aller au bal après.

A noter : on appelait fromage de cochon une préparation à base de couennes, de viande de tête et de carottes réalisée au moment de tuer le cochon (recettes diverses selon les familles).

 

-le beurre était battu dans un beurris (en français courant, une baratte) actionné par une manivelle. Opération qui avait lieu environ une fois par quinzaine, en fonction de la quantité de crème récupérée, elle-même fonction du cheptel ; pour les micro-fermes le beurre était battu à la main dans un pot dont le couvercle en bois troué laissait passer un manche que l'on montait et descendait le plus vite possible et qui, muni à son extrémité basse d'un petit disque en bois, battait le beurre. Sorti du beurris le beurre était soit moulé  (pour les grosses fermes) dans un moule, soit façonné à l'aide d'une planchette qui frappée sur la motte lui donnait un aspect à peu près régulier. Au fond du beurris il restait encore un peu de petit lait, le babeurre.

Pour conserver le beurre durant les mois où les vaches produisaient moins de lait, on en faisait fondre légèrement que l'on gardait dans un pot en grès et après cette opération on pouvait récupérer une sorte d'huile de beurre qu'on appelait la bourre de beurre ; salée et tartinée, c'était un délice pour les papilles et sûrement pas pour la santé, mais cela se produisait  rarement  (une ou deux fois par an) et sans doute cette rareté n'était pas étrangère  à l'excellence du goût.

 

-le pain, longtemps fut essentiel. Jusqu'à la fin de la décennie 1960, il était parfois fabriqué à la ferme pour toute la semaine. Mais des boulangers ont existé puis un seul jusqu'en 1968 (Louis Sarnain) avant que des boulangers extérieurs à la commune, soit déposent le pain au bourg, soit passent en tournée, comme Chassignolle de Cadolon. Le pain n'était pas utilisé seulement pour accompagner, il était "trempé" dans la soupe (cf infra) ou réutilisé dans la recette des "godjes", c'est-à-dire des tranches de pain noyées dans une sauce aux oeufs et sucrées ensuite. A noter : dans les familles catholiques (la grande majorité), on ne disait pas le benedicite mais on traçait superficiellement au couteau une croix sur le pain avant de l’entamer.

Le pain a gardé très longtemps un caractère sacré, d'une part parce qu'on l'utilisait tout le temps, d'autre part parce qu'on connaissait tout le travail fourni, des semailles à sa cuisson. Le gaspiller apparaissait scandaleux presque blasphématoire. Voir à ce sujet les travaux de l'historien Steven Kaplan.

 

-les pommes de terre ; la treuffe fut longtemps très cultivée dans les terres d'Écoche et donc très consommée sous différentes formes. Truffes fricassées ; truffes en sauce rousse ; truffes à l'eau ou au lait ; purée ; etc. Les frites arrivèrent plus récemment.

 

-les matefaims = sortes de crêpes épaisses à base de froment, cuits à la poêle dans une huile souvent fumante. Plat du pauvre et en voie de disparition.

 

-les légumes du jardin : pois, haricots, poireaux, carottes, navets, laitues, courges, choux...

 

-la charcuterie : saucisson sous la cendre ; jambon sec ; lard conservé dans le saloir ; andouille (une par an au moment de l'abattage du cochon), pâtés...

 

-les poules, fournisseuses des oeufs, présentes dans chaque maison ou presque, en complète liberté avant que la circulation automobile ne les tue trop souvent. Les vieilles poules étaient bouillies et consommées avec du riz par exemple. On parlait de mettre une "croque"  au pot. Pour les grandes occasions on préférait la "piche" (poule jeune). Certaines fermes purent élever aussi des canards, des pintades, des oies.

 

-les lapins, cuisinés pour les grands repas familiaux, la plupart du temps en civet.

 

-la viande de boucherie, plus irrégulièrement. La viande de porc en grillade au moment de tuer le cochon au début de l'hiver et conservée quelques semaines. On distribuait aux voisins, amis, famille,... (à charge de revanche) certains morceaux : on appelait cela une "fricassée".

 

 

-les soupes. La soupe quotidienne est une soupe de pain (morceaux de pain sec sur lesquels on a versé un bouillon de légumes agrémenté de pommes de terre, choux, voire lard). Plus rare le potage de légumes moulinés. Irrégulier aussi le potage de pâtes ; le meilleur est celui des battages car plein de gras, ayant longuement attendu le moment d'être servi.

 

 

-les gaufres parfois. Nécessitaient un feu vif sous le gaufrier : donc plus rares en saison chaude.

 

 

-les châtaignes pour les soirées d'hiver et les veillées

 

-les fruits locaux : pommes, poires, prunes, cerises, pêches dans les vignes, raisins ; et en confiture l'hiver.

 

-cuisine au beurre ou à l'huile? Aux deux en fait. Parfois aussi au saindoux. Comme huile, l'huile de chou (colza) empuantissait. L'huile de noix pouvait être utilisée en salade (naguère il y avait pas mal de noyers sur la commune). Mais quand même cuisine plus au beurre qu'à l'huile.

 

-le reste pouvait être acheté, comme les poissons –qu’on ne consommait pas tous les vendredis, loin s’en faut !

 

-exceptionnel : le gibier sauf peut-être dans les familles de chasseur ; lièvre, perdrix, lapin de garenne.

 

 

 

 

 

 Une assiette de godjes


Les airelles (ou myrtilles sauvages).

Au XIXème siècle, ces baies alors assez fréquentes dans nos moyennes montagnes permettaient aux pauvres habitants de confectionner des confitures voire de fabriquer une sorte de vin appelé vin de bichot (bichot : nom local de l'airelle).

Ce fruit sauvage a été chanté par Jean-Etienne Seytre, curé d'Écoche, dans son recueil de vers "tout autour du Pilat" publié en 1875.

En voici un extrait :